Histoire du judo

 

 

 Jigoro Kano Shihan 

 

 

Né le 28 octobre 1860, Kano débute le jujutsu (style tenjin shin yo) sous la direction de Fukuda Hachinosuke en 1877, à l'âge de 18 ans. Diplômé de l'Université de Tokyo, en 1881, il fonde le Judo Kodokan en 1882 et devient assistant à l'Ecole Gakushuin (réservée aux pairs du Royaume). En 1889, il effectue une première mission en Europe comme attaché du Ministère de la Maison Impériale. Il devient Conseiller au Ministère de l'Education Nationale pour lequel il effectuera de nombreuses missions à l'étranger. Parallèlement, il sera proviseur de plusieurs grands lycées du Japon. Kano est nommé membre du Comité International Olympique (C.I.O.) en 1909. Il crée une section de formation de professeurs de Judo au sein du Kodokan en 1911 et fonde, la même année, l' "Association Athlétique du Japon" dont il devient le Premier Président. Il assista aux J.O. de Stockholm en 1912, puis Anvers en 1920, Amsterdam en 1928, Los Angeles en 1932 et Berlin en 1936. Le 1932 , est créé au Kodokan la société de recherches médicales sur le Judo. Dans le but de proposer Tokyo comme ville d'accueil des prochaines olympiades, il retourne en Europe en 1933. Le 4 mai 1938, Kano meurt d'une pneumonie sur le paquebot qui le ramenait du Caire, à la suite d'une Conférence du C.I.O. A titre posthume, il obtient le 2ème rang impérial (très haute distinction récompensant les services rendus à l'Empereur).

 

 

 Le Judo de Kano 

 

 

Kano est un homme de son temps. En valorisant l'activité corporelle, les systèmes d'éducation physique élaborés vers la fin du siècle dernier poursuivent tous des objectifs similaires: former des corps sains, vigoureux, et forger des caractères aptes à mieux servir la nation. D'autres contextes, d'autres sensibilités personnelles comme celles de Pierre de Coubertin ou de Georges Hébert ont abouti à des méthodes contemporaines de la naissance du Judo.
Si le Judo peut, extérieurement, paraître le fait marquant de la vie de Kano, on doit souligner l'importance de sa carrière au sein du Ministère de l'Education Nationale et son rôle est déterminant dans la définition des bases du sport et de l'éducation physique au Japon. Sa vie toute entière est dédiée à une cause qu'il définit en ces termes: "Rien n'a plus d'importance que l'éducation ; l'enseignement d'un seul homme sage peut atteindre des multitudes et le savoir d'une génération peut profiter à cent autres."
Né dans une famille de commerçants prospères et influents, Kano bénéficie d'une éducation réservée aux étudiants de son rang social. Attiré par les sports "modernes" comme le base-ball, Kano l'est aussi par les arts martiaux. Dans ses mémoires, il explique les raisons initiales d'un choix qui mêlera tradition et modernité.

Le judo de Kano est avant tout un système d'éducation. Il est fondé sur un principe d'équilibre entre "trois cultures", intellectuelle, physique et morale, dont seul le développement harmonieux peut garantir le progrès de l'individu et, par conséquent, son utilité pour la société. Kano écrit: "Quelque excellente que ce soit la santé d'un individu, son existence reste vaine s'il ne la met pas au service de la société". Sa méthode s'appuie sur les formes ancestrales de combat, mais les finalités divergent. Pour bien marquer cette différence, Kano met un soin particulier à choisir le nom de sa méthode. Il introduit une rupture sémantique révélatrice de ses intentions. "Pourquoi j'appelais ceci Judo au lieu de jujutsu? Parce que ce que j'enseigne n'est pas seulement jutsu (art ou pratique). Bien sûr, j'enseigne jutsu , mais c'est sur do (coie ou principe) que je voudrais insister spécialement. Le Judo Kodokan que j'enseigne a, comparé à l'ancien jujutsu, des visées plus vastes, et différentes en techniques, de sorte que je pouvais lui donner un nouveau nom."
Il existe deux autres raisons pour lesquelles j'évitai le terme "jujutsu". L'une est qu'il y avait des écoles de jujutsu qui souvent se laissaient aller à pratiquer de violentes et dangereuses techniques, en projection ou en torsion de bras ou de jambes. Voyant ces choses, beaucoup de gens en venaient à penser que le jujutsu était malfaisant; de telle sorte que le jujutsu était méprisé et regardé comme une chose pouvant avoir une influence néfaste sur les jeunes hommes.

"La seconde raison est celle-ci. Lorsque je commençais à enseigner, le jujutsu était tombé en discrédit. Quelques maîtres de jujutsu gagnaient leur vie en organisant des troupes composées de leurs disciples et faisaient des combats exhibitions, pour lesquels l'entrée était payante. D'autres allaient jusqu'à se faire les acteurs de combats entre lutteurs professionnels de sumo et pratiquants de jujutsu. De telles pratiques dégradantes prostituaient un art de combat et me répugnaient".
La démarche éducative énoncée dans le principe des "trois cultures" se concrétise dans les procédés d'apprentissage : le randori et le kata sont des éléments de base de l'enseignement dispensé par Kano. Ils sont renforcés par les moyens complémentaires que représentent le shiai, compétition, et le mondo, entretiens que Kano aimait à utiliser avec ses élèves. Exercice courant dans d'autres écoles, le randori est une forme d'entraînement où l'entière liberté de choix est donnée à chacun. Kano lui donne une définition éducative : "Durant le randori, personne ne peut deviner ce que son adversaire va faire; ainsi chacun doit être prêt à faire face à une attaque soudaine de l'adversaire. L'habitude d'une telle attitude mentale développe un haut degré de maîtrise et de lucidité".

Jugé imparfait car trop axé sur la spécialisation du corps, l'exercice est complété par le kata, ou formes pré-arrangées. Laissée un temps à l'initiative des judokas expérimentés, la pratique des kata prend rapidement une part importante dans l'enseignement du Kodokan. Elle équilibre l'engagement physique du randori et donne au judo sa dimension culturelle et éducative. Kano affirme : "En cela, je n'ai pas prêté une importance exagérée à la dimension compétitive de l'exercice, comme cela était le cas précédemment, mais j'ai cherché une combinaison d'exercices destinés au combat et à l'entraînement de l'esprit et du corps". La notion de kata est indissociable des arts martiaux et sa pratique se retrouve jusque dans les bujutsu classiques. C'est un "langage de la forme" qui appartient à la culture japonaise et concerne un grand nombre d'activités. La formulation des kata du judo Kodokan reprend les grands axes de la méthode. Le nage no kata, formes de projections, est apparemment le premier à avoir été établi dans les années 1890. Vers la même époque, sont définis le katame no kata (formes de contrôle au sol) et le kime no kata (formes classiques de défenses individuelle). Les différents kata peuvent être regroupés en quatre catégories (exercice libre, affrontement, préparation physique, théorie) qui rejoignent les finalités initiales du Judo de Kano: le développement physique du corps, la formation de l'esprit, l'efficacité combative.
La réflexion théorique donne lieu à l'élaboration d'un système spécifique, le go kyo no waza (cinq principes de technique), qui met en forme les contenus d'enseignement. L'école de Kano substitue l'analyse construite aux procédés globaux et intuitifs du bujutsu et du budo traditionnels et se démarque, une nouvelle fois, des écoles classiques. Fruit d'un travail collégial et d'un affinement progressif, la hiérarchie des techniques de projection est organisée à des fins pédagogiques. Etabli en 1895, en fonction de la complexité et de la difficulté de chaque geste, le go kyo no waza reste un objet d'étude et de recherche.

 

 

 Le Judo au Japon 

 

 

En 1882 Kano Jigoro est étudiant à l'Université Impériale de Tokyo lorsqu'il ouvre l'Ecole du Kodokan ("école où l'on étudie la voie"). Il enseigne une pratique nouvelle Le Judo. Ses disciples, neuf étudiants et amis, se retrouvent dans une petite salle de 2 m2 environ. Ils apprennent à projeter, immobiliser, contraindre l'adversaire à l'abandon par des étranglements ou des luxations. La nouveauté n'est pas dans les gestes techniques mais dans la façon de les réaliser, dans les finalités qui leur sont assignées.
Kano propose une relecture des Arts Martiaux. Il marque une rupture nette dans les conceptions et l'utilisation des méthodes de combat. Autrefois un but, la victoire n'est ici qu'un moyen; son fondateur fait du Judo un outil d'éducation.
Le contexte historique donne la mesure de l'ampleur des changements introduits par Kano et permet de mieux comprendre les raisons de la réussite de sa méthode.
Le Judo est fondé dans une période charnière du Japon. A l'ère Meiji (1868-1912), le pays connaît une période d'ouverture et de transformations essentielles et définitives. Après deux siècles de stabilité et d'isolement relatifs imposés par un régime féodal, l'archipel Nippon découvre un Occident qui lui inspire des sentiments contradictoires. A la fois recherché et rejeté, le monde extérieur devient un modèle et une vaste école. L'attrait des modes de vie européen et américain entraînent, malgré des revirements successifs, des élans de mimétisme effrénés où la volonté d'assimiler la culture occidentale éloigne les japonais de leur passé et de leurs traditions. Industriel Lyonnais et observateur attentif, Emile Guimet donne, dans Promenade Japonaise (1880), ses impressions de voyage : "Le Japon n'a pas assez confiance dans les mœurs du Japon; il fait trop vite tables rase d'une foule de coutumes, d'institutions, d'idées même qui faisaient sa force et son bonheur. Il y reviendra peut-être, je le lui souhaite".

 

 

 Les Samouraï 

 

 

Comme son nom l'indique, le samouraï est "celui qui sert". Tour à tour rustre ou raffiné, déprécié ou admiré, exemple de loyauté ou de désintéressement, mais parfois vil et corrompu, le guerrier a occupé plusieurs rôles et plusieurs fonctions dans la société japonaise, allant du simple homme de main au plus illustre des généraux . C'est autour de lui que s'est écrite l'histoire des arts martiaux. Les aléas de son influence et de son statut expliquent les transformations successives de ces pratiques.
Les bujutsu classiques reflètent les priorités d'une société expérimentant la guerre sur une base régulière. Ces arts sont l'apanage des classes sociales supérieures. Transmis exclusivement au samouraï, ils symbolisent sa force et sa puissance. La philosophie zen dont ils sont imprégnés façonne le comportement du samouraï. Les samouraï sont séduits par la discipline mentale, l'ascèse et l'harmonie avec la nature car le zen fortifie leurs idéaux suprêmes: la fidélité et l'indifférence aux souffrances physiques.

 

 

 Le Jujutsu ou Les racines du Judo en France 

 

 

En France, le jujutsu apparaît de façon très remarquée à l'automne 1905. Le combat organisé entre Georges Dubois, spécialiste des sports de défense français, et le professeur "Ré-Nié" place la méthode japonaise au premier plan de l'actualité sportive parisienne. Les articles sur le Jujutsu se multiplient dans les journaux spécialisés et dans les grands quotidiens. Le 4 janvier 1906, dans le Sport Universel Illustré, on peut lire : "Tout est au jiu-jitsu ! Les rues, les journaux, les théâtres, les music-halls retentissent de ce mot quasi magique qui sonne comme un clairon de victoire". L'emphase du journaliste révèle l'ampleur du succès.
Début Septembre, l'ouverture d'une école de jujutsu, au 55 rue de Ponthieu près des Champs-Elysées, est à l'origine de publications régulières vantant les mérites de la "méthode japonaise". Apparemment irrité par tant de publicité, Georges Dubois s'insurge. "Le jiu-jitsu: c'est l'emprise de la race jaune dans une tradition gréco-latine jusque-là respectée". Il adresse à la revue l'Education Physique un article ironique contre "ces japonais qui viennent en Europe tordre nos articulations avec un beau sang-froid. On apprenait à tomber noblement, sur des coups loyaux. Survint le Jiu-Jitsu. Oh ! avec lui de ne fut pas long. Tout de que vingt siècles enseignèrent de lutte gréco-latine s'envola sous sa pichenette. Rien n'existait que les secrets nippons ".